Points Clés

La face cachée de la médicalisation autour de la maternité

Cet article fait suite à mon analyse de la médicalisation progressive de la maternité.

Je vais ici évoquer les différentes étapes du parcours du combattant d’une femme qui devient mère. On nous avait dit « tu verras, c’est que du bonheur »

Pour que l’article reste d’une taille raisonnable, j’ai fait le choix de ne parler que d’un parcours « standard » classique : les mamans qui passent par la PMA ou l’adoption doivent faire face à tout un tas d’autres difficultés qui n’en sont pas moins réelles et graves.

Disclaimer : Cet article peut être difficile à lire pour certaines personnes, aussi je m’en remets à votre bon sens et à votre connaissance de votre propre état mental avant d’en entamer la lecture.

Mon objectif n’est pas de provoquer ou alimenter des émotions négatives, mais de dresser l’état des lieux d’une réalité auxquelles une large majorité de femmes sont confrontées lorsqu’elles deviennent mères. L’objectif de ce blog étant d’informer afin d’améliorer l’expérience de la maternité, je me dois d’être transparente et honnête sur ce sujet douloureux.

Je vous remercie de votre compréhension.

Ceci étant dit, accrochez vos ceintures…

La gynécologie obstétrique : « Sois mère et tais-toi »

La consultation gynécologique est un incontournable dans la vie d’une femme, qu’elle ait ou non le désir de devenir mère. Lorsque le désir de maternité s’affirme, ce médecin devient encore plus important. Vu la place qu’occupent les gynécologues dans la vie d’une femme, et vu la sensibilité du sujet (à la fois physique et psychologique), on est en droit de s’attendre à ce que les professionnels de ce secteur soient particulièrement attentifs au respect et au bien-être de leurs patientes.

Hélas, de nombreuses femmes déplorent la non prise en compte de leur gène lors d’une consultation, pourtant liée à une partie intime de leur corps et de leur vie. D’autres encore, aussi nombreuses, rapportent des « propos porteurs de jugements sur la sexualité, la tenue, le poids, la volonté ou non d’avoir un enfant ».

Depuis la loi Kouchner de 2002, tous les patients doivent bénéficier du droit au consentement libre et éclairé, qui peut être retiré à tout moment.
Que signifie d’ailleurs « consentement libre et éclairé » ? Cela veut dire librement donné après avoir été suffisamment informé pour prendre une décision en connaissance de cause, ce qui est TRES rarement le cas en gynécologie et en obstétrique, comme le souligne une étude du Haut Conseil de l’Egalité entre les Femmes et les Hommes (HCE) du 26 juin 2018.

Depuis mars 2023, suite à la publication de l’avis du Comité consultatif national d’éthique (CCNE), les gynécologues doivent recueillir le consentement de leurs patientes avant tout geste médical.

Pourtant, on relève de nombreux cas durant lesquels ce consentement n’est pas recueilli ou respecté lors de certains actes gynécologiques et obstétricaux.

Et toi, es-tu l’une d’entre elles ?

Un scandale qui illustre bien ce problème

Un cabinet gynécologique a même soulevé une très vive polémique en affichant ceci devant son secrétariat, en juin 2023 :

Capture d’écran d’une note affichée sur le site Internet du gynécologue, et qui a été retirée depuis. – Capture d’écran/Twitter

Cette affiche est manifestement contraire à la loi Kouchner, selon Sonia Bisch, fondatrice et porte-parole de stopVOGfr (« Stop aux violences obstétricales et gynécologiques »). Si les associations et les collectifs identifient cette note comme « intimidante » et la possibilité d’un éventuel refus de soin, le praticien lui déplore des « dénonciations fausses ». Pourtant, l‘Ordre des Medecins lui-même a présenté ses excuses pour cet incident et réfléchirait actuellement à une « formulation plus claire » mais ne semble pas vouloir revenir sur le fond du message.

Joëlle Belaisch-Allart, nouvelle présidente du collège national des gynécologues et obstétriciens, déclare que l’examen clinique doit être au préalable défini, et peut ensuite être maintenu ou annulé selon le motif de la consultation. Si une patiente consulte pour un motif où l’examen clinique est pertinent, elle précise :

« on peut lui expliquer qu’il s’agira d’une consultation inutile si elle ne souhaite pas être examinée et qu’il y aura incompréhension pendant la consultation ou à la facturation et qu’il vaut peut-être mieux annuler avant ».

Dans toute cette affaire, les patientes se sont senties en danger dans l’exercice de leur consentement et le respect de leur intégrité physique. Et si les médecins sont contraints de recueillir le consentement libre et éclairé de leurs patientes, il semble qu’ils soient plus préoccuper par leur protection légale que par le respect de celles-ci…

A la maternité : le corps d’une mère n’est plus sien

Cela ne s’arrête pas à la sphère des gynécologues libéraux. Une fois dans l’enceinte de la maternité, à quelques heures d’accoucher, le col travaille et le corps de la mère se préparer à la délivrance.

Si je vous dit « toucher vaginal », ça vous parle ?

Je parie que vous en raffolez. Non ? Pourtant vu la fréquence totalement délirante à laquelle ils sont pratiqués, parfois en public (bonjour messieurs dames les internes), sans même que la patiente ait été prévenue (le consen-quoi ?)…

Rappelons à toutes fins utiles qu’un toucher vaginal est assimilé à un acte de pénétration vaginale par autrui. Pour citer l’étude du HCE :

« Effectué par « violence, contrainte, menace ou surprise »33, cet acte relève du viol tel que défini à l’article 222-23 du Code pénal. »

Tout est dit.

Dans cette même étude, nous apprenons que le taux d’usage de la péridurale en France est passé de 4% des naissances en 1981 à 70% en 2012. En 2023, elle est quasiment systématique.

Une étude de l’INSERM de 2015 (citée dans le rapport du HCE) nous révèle pourtant un petit twist dans les statistiques. L’étude conclut en effet que :

« la décision d’avoir finalement recours à l’analgésie péridurale au cours de l’accouchement n’est associée ni à l’âge, ni au niveau d’étude, ni à la nationalité des femmes : il apparaît que cette situation est plus fréquente chez les femmes qui accouchent pour la première fois, en cas de surcharge de travail des sages-femmes et de présence permanente d’un anesthésiste dans la maternité, ou encore chez les femmes qui ont reçu de l’ocytocine en cours de travail (pratique très fréquente en France pour faciliter l’accouchement) »

« Dans un sens, le recours fréquent à la péridurale est une bonne chose car cela répond aux besoins des femmes qui souhaitent une prise en charge efficace de leurs douleurs. Et cela réduit les risques associés à l’anesthésie générale en cas de complication du travail. Mais d’un autre côté, cela laisse peu de choix à l’expression de la préférence de certaines femmes pour des formes moins médicalisées de l’accouchement »


Béatrice BLONDEL, responsable de ces travaux dans l’Equipe d’épidémiologie périnatale, obstétricale et pédiatrique (EPOPé)

Toujours d’après la même étude du HCE, un accouchement sur cinq donne lieu à une épisiotomie, dont la moitié sans information ni consentement de la maman.

Euh… Consentement libre et éclairé ? Où ça ?

Et toi, es-tu l’une d’entre elles ?

Le Post-partum : la santé mentale en question

Pour elles qui ont de la chance, elles sont entourées d’une famille aimante et d’amis attentionnés pendant le post-partum, afin de les aider à prendre soin d’elles et à gérer la charge mentale inhérente à leur nouveau rôle de maman.

Pour d’autres qui n’ont pas cette chance mais qui en ont les moyens, peut-être serez-vous suivie par une sage-femme, une doula ou un(e) psychologue pour vous aider à traverser cette phrase compliquée de la matrescence.

Pour d’autres encore, peut-être le papa fera-t-il partie des 71% qui prennent leur congé paternité, et vous aurez 28 jours de répit (s’il les prend tout de suite, sinon bienvenue dans la dernière catégorie).

Enfin, pour toutes les autres, il ne reste plus qu’à croiser les doigts pour que vous ne rejoignez pas les 20% de mamans qui déclarent une dépression post-partum dans la première année après leur accouchement.

Et si vous y échappez, il faudra aussi traverser le « Baby Clash » pour 66% des couples, toutes catégories confondues.

La solitude, les défis de la matrescence, l’isolement social ou bien encore l’épuisement mental et physique peuvent avoir raison des mamans les plus déterminées.

Et toi, es-tu l’une d’entre elles ?

Maman, une force de la nature

Le tableau que je dresse jusqu’ici fait froid dans le dos. Et pourtant des mamans continuent à donner le jour à un chaque jour. Certaines le font même plusieurs fois dans leur vie.

Selon l’INSEE, en 2022 ce sont 723 000 nouveaux nés qui ont ouvert les yeux sur le monde en France, contre 821 047 en 2012 (soit un recul de 11,94% en 10 ans). Certains accusent l’individualisme des gens, l’ambition des femmes et j’en passe et des meilleures. Mais je crois, en toute franchise, que les éléments que nous venons d’évoquer dans cet article font largement partie des raisons de ce recul.

Et pourtant, les mamans continuent à faire des bébés. Elles continuent à les chérir, les aimer de toute leur âme. Elles continuent à vouloir leur donner le meilleur, parfois au prix d’elles-mêmes. Elles continuent à vouloir prendre soin de leur famille, à vouloir créer un foyer aimant pour ces enfants qu’elles chérissent.

Oui, au milieu de ce tableau sombre, les mamans sont impressionnantes de résilience et de force. Elles incarnent un amour qui transcende toutes ces violences et qui choisissent la vie malgré tous les bâtons qu’on leur met dans les roues.

Aujourd’hui comme hier, devenir maman n’a jamais été un chemin parsemé de fleurs. Mais aujourd’hui comme hier, des milliers de femme l’empruntent et le traversent jusqu’au bout.

Aucune n’en ressort indemne, chacune de nous porte quelques cicatrices visibles et invisibles de ces luttes qu’on nous impose trop souvent malgré nous. Non, devenir maman, ce n’est pas « que du bonheur ». A mes yeux, c’est particulièrement cruel de continuer à diffuser ce message qui invisibilise toutes les réalités auxquelles nous devons faire face, sans y être préparées. C’est pourquoi j’espère, à travers ce blog, pouvoir informer, accompagner et aider les mamans à endosser leur nouveau rôle de manière plus sereine et bienveillante. Elles le méritent amplement.

Car malgré tout nous sommes là. Nous y sommes arrivées.

Nous sommes devenues mamans.

Et toi, es-tu l’une d’entre nous ?

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