Podcast Maman Va Bien
Podcast

Podcast Episode#3 : Interview de Tiphaine, Kinésithérapeute et Sénologue


Dans ce nouvel épisode, j’ai le grand honneur et plaisir de recevoir au micro Tiphaine, une kinésithérapeute spécialisée en rééducation abdomino-pelvienne et en sénologie.

Pour plus de clarté et de confort d’écoute, l’interview a été découpée en deux parties, dont voici la première. Je vous laisse découvrir Tiphaine, sa bienveillance et sa passion pour la santé de la femme, en espérant que cela vous passionne autant que moi ! 😉

Transcription de l’interview

Bonjour et bienvenue dans ce nouveau podcast.
Je m’appelle Sabine et vous écoutez le podcast Maman va bien.

Maman va bien, c’est un podcast mais aussi un site, https://mamanvabien.com, à propos de la santé mentale et physique des futurs religieux de maman.

Mon objectif c’est de vous aider à vous préparer et à gérer le postpartum, pour que vous puissiez vivre une maternité qui vous ressemble et dans laquelle vous vous sentez bien.

Dans le podcast d’aujourd’hui j’ai le grand plaisir d’accueillir Tiphaine, une jeune maman belge de 32 ans que j’ai rencontrée dans un réseau d’entrepreneurs. Et j’ai vraiment beaucoup aimé le profil de Tiphaine qui est un peu comme moi, passionné par la santé de la femme. Tiphaine est kinésithérapeute spécialisée dans la rééducation du périnée et la sénologie.

Sabine : Tiphaine bonjour et bienvenue !

Tiphaine : Bonjour Sabine, merci d’avoir invitée.

S : Écoute c’est avec un grand plaisir. Alors est-ce que tu pourrais te présenter en quelques mots pour nos auditeurs et auditrices s’il te plaît?

T : Oui donc voilà comme tu l’as dit, je suis belge et je suis kinésithérapeute. Je suis aussi la jeune maman d’un petit garçon de 15 mois et je suis spécialisée dans tout ce qui est rééducation – nous ici on appelle ça abdomino-pelvienne – et tout ce qui touche à la sénologie. Du coup j’en ai fait vraiment mon dada et c’est vraiment axé santé de la femme. Parce que rééducation abdomino-pelvienne, on pourrait prendre les hommes aussi en charge mais c’est pas mon cas. Moi je me suis vraiment orientée dans tout ce qui est féminin.

S : Excellent, merci beaucoup Tiphaine ! Dis-moi est-ce que tu pourrais expliquer en quelques mots pour nos auditeurs et auditrices qu’est-ce que c’est la sénologie ? Parce que j’avoue que j’ai découvert ce terme en te découvrant toi.

T : Ah oui oui donc la sénologie en fait c’est tout ce qui touche le cancer du sein. En fait après un cancer du sein on peut avoir une chirurgie ou non en fonction de l’atteinte et nous on vient surtout dans la prise en charge post-chirurgicale.

S : Merci Tiphaine c’est très très clair. Ma question suivante c’est qu’est-ce qui t’a poussé vers ce métier de kinésithérapeute et ces deux spécialisations que tu as choisies ?

T : Pour tout ce qui est rééducation du périnée en fait, ça c’est parce que je suis depuis toute petite sportive et je jouais du volleyball en équipe et j’ai eu moi-même quelques petits soucis urinaires en étant plutôt jeune, même enfant. Puis après tout ça s’est réglé tout seul, je n’ai plus eu de soucis par la suite.
Et puis après dans la pratique du sport on entend quand même souvent des jeunes femmes ou moins jeunes qui ont des soucis de fuite urinaire pendant la pratique sportive. Et donc de fil en aiguille petit à petit, j’ai fait quelques formations dans ce domaine là jusqu’à en faire vraiment une grosse formation ici en Belgique, qu’on appelle un certificat. Là j’ai mon certificat depuis début 2023.
Pour tout ce qui est sénologie, donc cancer du sein, là c’est des patientes que j’ai rencontrées qui sont venus justement chez le kiné parce qu’on leur a prescrit de la kiné pour ça. Et je savais quelques bases mais il manquait des cordes à mon arc. Je me suis renseignée, et on a ici en Belgique une formation plus spécifique là dedans. Et donc là je me suis formée en 2021 pour la prise en charge des patientes atteintes du cancer du sein. Mais ça c’est plutôt mes patients qui m’ont amené à me former pour.

S : Ok donc toi tu interviens auprès des femmes qui ont eu un cancer du sein, de manière post-opératoire. C’est quelque chose que je n’imaginais pas du tout. Est-ce que tu pouvais nous dire concrètement en quoi ça consiste, s’il te plaît?

T : Du coup en fonction de l’état de la tumeur, soit on va venir faire ce qu’on appelle une tumorectomie : donc là on va juste enlever la tumeur, on laisse le sein. S’il y a des ganglions lymphatiques qui se trouvent sous l’aisselle qui sont atteintes de cellules cancéreuses, on peut en enlever aussi.

Si on n’enlève que la tumeur au niveau du sein, on va rarement avoir besoin de kiné parce que là on ne touche pas complètement à la physiologie de la zone sein-épaule.
Par contre à partir du moment où on vient enlever des ganglions on peut avoir ce qu’on appelle le risque d’avoir un lymphœdème, parce que du coup le drainage du liquide la fatigue se fait moins bien. Et donc certaines patientes peuvent développer un œdème au niveau du sein, au niveau du bras.

Il y en a de moins en moins avec les nouvelles techniques chirurgicales. Donc là ils sont vraiment en train de faire des gros progrès. À l’époque, je ne sais pas si tu avais cette notion là, mais les femmes qui se faisaient opérer d’un cancer du sein elles avaient l’impression d’avoir un gros bras, ce gros bras rempli de lymphe. Ça arrive de moins en moins. Ça arrive encore mais ça arrive de moins en moins.
Et donc nous, les kinés on va arriver soit pour ça, pour venir drainer un bras, un sein qui a des difficultés.

Ensuite si on ne fait pas une tumorectomie on peut faire une mastectomie et là c’est enlever tout le sein. Donc on enlève tout le sein de la patient. Donc c’est là qu’on va intervenir pour prendre en charge ces patientes parce qu’on va toucher aussi à tout ce qui est vraiment épaule-sein, donc épaule-poitrine.
Le fait d’enlever le sein, on change la physionomie de la patiente. En post chirurgicale directement, elle va avoir peur de bouger, elle va avoir peur pour sa cicatrice, elle va avoir des douleurs aussi parce qu’on lui a enlevé ce sein.
C’est aussi un nouveau corps qu’elle va devoir s’approprier. Donc nous en tant que kinés on va venir travailler tout ce qui est mobilité d’épaule pour qu’elle retrouve une mobilité d’épaule la plus adéquate et la plus fonctionnelle possible.
Et on va aussi venir travailler tout ce qui est cicatrice parce que ces cicatrices sont quand même assez importantes. Et aussi de nouveau, comme je le disais tout à l’heure, tout ce qui peut être drainage lymphatique aussi s’il y a un lymphœdème qui se présente.

Et voilà ça va vraiment être nos trois axes principaux. C’est vraiment mobilité/rééducation de l’épaule, travail de la cicatrice et drainage lymphatique.

Après, il y a tout ce qui touche la reconstruction mammaire aussi. Là on va aussi venir travailler tout ce qui est tissu autour si c’est pour accueillir une prothèse ou si c’est pour accueillir des autogreffes de tissus graisseux et tout ça pour refaire le sein. Et donc en fonction de la reconstruction qui a lieu, on va aussi avoir un rôle là-dedans.

S : Alors justement je trouve ça vraiment très intéressant parce que tout ce que tu nous dis là, c’est quelque chose qu’on n’entend pas souvent, voire pas du tout. Comme je le disais c’est quelque chose que j’ai découvert en te découvrant toi. Et actuellement là en en plein Octobre Rose, on entend parler beaucoup de la prévention, de la chimio, on entend parler d’associations qui œuvrent pour fournir des péruques de cheveux naturels etc.
Mais l’intervention de kinés post-opératoires, j’avoue que c’est quelque chose dont on parle pas du tout et pourtant c’est un vrai sujet. Parce que comme tu l’expliquais très bien, c’est quelque chose qui va modifier la physiologie et le fonctionnement du corps de la femme, et ça peut nécessiter que la personne fasse un travail sur la mobilité, la posture, le nouveau fonctionnement de ce corps, l’acceptation de ce nouveau corps… et tout ça c’est des choses je trouve dont on parle très très peu encore aujourd’hui.
Est-ce que toi tu as l’impression que les femmes qui viennent te voir sont informées de tout ça, de pourquoi elles font de la kiné, de l’importance de ce que tu fais avec elles ?

T : Ça dépend. Il y a des personnes qui vont parfois arriver en traitement de kiné parce qu’on leur a prescrit directement après la chirurgie un peu en… C’est pas du préventif à ce moment là parce que c’est pas du préventif par rapport au cancer du sein, c’est plutôt du préventif par rapport aux conséquences que la chirurgie peut avoir. Et donc pour éviter toutes les attitudes vicieuses au niveau de l’épaule, pour éviter une perte de mobilité, pour garder une fonction la plus grande possibles de ce corps qui a été affectés.
Après il y en a d’autres personnes qui vont arriver parce qu’il y a déjà un souci qui s’est installé. Donc soit de la douleur d’épaule, des difficultés au niveau de la cicatrice, des difficultés au niveau lymphœdème. En fonction du chirurgien, de l’oncologue, de la prise en charge en général, on peut soit avoir des patients qui au départ entre guillemet vont bien après la chirurgie (comme on peut aller bien après la chirurgie) et d’autres patients qui ont déjà développé des difficultés en post-chirurgical.

C’est pas une question que j’aborde souvent avec les patients, je sais pas te dire si avant l’acte chirurgical on leur parle déjà qu’elles vont devoir aller faire de la kiné ou que c’est une possibilité que… enfin je sais pas si on leur explique vraiment les conséquences que ça peut avoir. Je pense qu’il y en a beaucoup qui les découvrent juste après.

S : Ce que je trouve assez dingue quand même parce que mine de rien, comme toutes les interventions chirurgicales, c’est évident qu’il y a des conséquences derrière pour notre corps et pour notre vie au quotidien. Donc c’est assez fou qu’on n’en parle pas.

T : Ben oui, ça reste une intervention et en dessous du sein il y a des muscles aussi. Et comme je disais, après si on vient faire un curage axillaire, donc on vient sous l’aisselle pour enlever des ganglions et tout ça…
L’épaule est vraiment une articulation assez complexe et dès qu’on vient un peu trop chipoter de ce côté là, on peut vite attraper des attitudes vicieuses, avoir peur de la bouger, de la mobiliser. En fait c’est surtout ça, on va beaucoup avoir des patientes qui vont avoir peur de bouger ce bras qui est en lien avec le sein qu’on va enlever.
Et au final c’est beaucoup là-dessus qu’on va se battre, pour leur dire « en fait c’est votre bras, vous allez pouvoir le réutiliser comme avant ». « Si vous voulez faire du sport, il n’y a pas de contre indications en fait, allez-y.»

Et c’est vraiment, je pense que c’est le plus gros cheval de bataille, c’est que ces femmes reprennent confiance en leur corps qui a été mutilé, qui a été malade. C’est tout un travail.

Et aussi au-delà de la rééducation des épaules, c’est aussi le travail du toucher, parce qu’on vient toucher cette zone qui change, qui est modifiée, qui est plus la même. Ça c’est aussi très très fort parce qu’il y a des patients, parfois on leur demande « vous avez touché votre cicatrice ? » Non, elles ne veulent pas, elles n’osent pas, parce que leur physique du corps a changé, ça touche à leur féminité. Donc c’est aussi tout un travail là-dessus.

S : Je trouve que c’est hyper touchant la façon dont tu en parles, parce que c’est très vrai en même temps. Quand on subit comme ça des grosses modifications sur son corps, il est évident que ça va avoir des conséquences sur notre mental, sur notre identité, sur notre façon de nous percevoir nous-mêmes. Donc c’est vrai que c’est important d’en parler et d’agir pour aider ces personnes-là à se sentir mieux dans leur peau autant que possible. Et je trouve qu’il y a une forme de délicatesse extrêmement importante dans ce que tu dis, qui prend en compte la personne dans son intégralité, pas seulement dans son physique et dans sa blessure physique, mais aussi dans sa blessure mentale.

T : Quand tu parlais du gros bras et de lymphœdème, avant on pensait «ok, le cancer du sein qui est, c’est le drainage lymphatique». Et donc on a encore beaucoup de patientes, et parfois certains médecins aussi, qui prescrivent juste un drainage lymphatique, alors que cette personne qui n’est peut-être même pas spécialement d’œdème, elle a juste un inconfort et une gêne dans son bras, mais pas spécialement d’œdème.
Et même le drainage lymphatique en soi, il est bon, mais si on fait que ça, ça ne va pas non plus. Il faut aussi travailler, encore une fois, tout ce qui est fonctionnel, donc la mobilité de son bras, le renforcement de son bras, de cette épaule, de cette cache thoracique, du dos, le travail de la posture… il y a plein de choses à faire. Donc pareil, si c’est une patiente qui a souffert d’un cancer du sein, qui va chez son kiné et qui ne fait que de drainage lymphatique, beh il y a autre chose à faire. Il y a plein d’autres choses à faire, ça ne se limite pas qu’à ça.

S : Ce que tu dis m’interpelle, du coup je me pose la question : est-ce qu’il peut y avoir des conséquences s’il n’y a pas un suivi correct après une opération du cancer de sein ? Est-ce que ça a des conséquences si justement on se contente de faire une ordonnance pour des problèmes lymphatiques sans aller au-delà, sans faire tout ce qui peut être fait autour de ce sujet-là ?

T : Alors il y en a, après une opération post-cancer du sein, post-mastectomie ou tumorectomie, qui peuvent ne développer aucune difficulté et qui vont tout de suite avoir confiance, vont bien bouger leurs bras, vont le réutiliser correctement et en fait, elles ne vont peut-être pas avoir besoin de kiné, et tant mieux.
Après, la kiné va vraiment plus s’adresser à ces patientes-là, à ces patientes qui vont avoir peur de bouger. Si les médecins ne les adressent pas à un kiné, ça va développer plein d’autres soucis parce que du coup, cette épaule ne va plus bouger, elle va s’enkiloser, ça peut créer des douleurs permanentes au niveau de l’épaule, au niveau de la poitrine, au niveau du dos, au niveau des cervicales, et ça va modifier leur posture, ça va modifier plein de choses. Et du coup, ça peut être la porte ouverte à plein de pathologies rhumatismales.
Aussi, comme je disais, le fait de ne pas bouger, de ne pas utiliser ces bras, c’est potentiellement plus de risque de développer un lymphœdème, de développer un gros bras.
La kiné, là aussi, c’est dans le but de justement garder cette mobilité, cette fonctionnalité.
Dans la vie, le corps, il faut qu’il soit fonctionnel. C’est le but, c’est qu’il soit le plus fonctionnel possible pour pouvoir l’utiliser et en faire ce qu’on veut en fait. C’est ça notre rôle en fait.

Donc, je pense qu’en sénologie, il n’y a pas non plus de « attention si on le fait pas, c’est dangereux », parce qu’il y a des personnes qui ne vont pas en avoir besoin du tout. Mais par contre, il faut savoir que ça existe et il faut, je pense, pour les médecins ou les autres personnes qui côtoient ces patientes-là, pouvoir déceler que « ah, ici, madame, elle a peut-être un peu trop d’appréhension,
elle n’a pas confiance, elle n’ose pas bouger, là ce serait peut-être bien qu’elle aille faire de la kiné pour ça ».


C’est la fin de cette première partie d’interview qui nous a donc éclairé sur la sénologie et sur la pratique de Tiphaine autour de la sénologie et des conséquences post-opératoires du cancer du sein.
J’espère que tout comme moi, vous avez découvert plein plein plein de choses.


J’espère que cet épisode vous aura plu. Si c’est le cas, comme d’habitude, n’hésitez pas à soutenir le podcast, à le commenter et à mettre 5 étoiles sur la plateforme où vous l’écoutez. Et on se retrouve très vite pour la deuxième partie de cette passionnante interview.

À très bientôt!

Si vous avez aimé cet article, n'hésitez pas à le partager ! ;-)

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.