Podcast
Podcast

Podcast Episode#4 – Périnée en danger : ce qu’on vous cache

Voici la deuxième partie de l’interview de Tiphaine, Kiné spécialiste de la rééducation abdomino-périnéale et de la sénologie.

Retrouvez la première partie de cette interview dans l’épisode précédent.

Bonne écoute ! 😉

Transcription de l’interview

Bonjour et bienvenue dans ce nouveau podcast.
Je m’appelle Sabine et vous écoutez le podcast Maman va bien.

Maman va bien, c’est un podcast mais aussi un site, mamanvabien.com, à propos de la santé mentale et physique des futures et jeunes mamans.

Mon objectif, c’est de les aider, de vous aider à vous préparer et à gérer le post-partum pour que vous puissiez vivre une maternité qui vous ressemble et dans laquelle vous vous sentez bien.

Dans ce nouvel épisode, nous allons découvrir la suite de l’interview de Tiphaine, kiné belge, qui nous a parlé la dernière fois de sa spécialité de sénologie. Cette fois-ci, nous allons discuter de tout le pan qui concerne la rééducation abdomino-périnéale et de tout ce qu’elle implique pour la santé féminine.

Sabine : Tiphaine, au début de l’interview, tu nous expliquais que tu as découvert les problèmes autour du périnée très jeune dans la pratique du sport et c’est assez peu commun, je trouve, puisque c’est vrai que j’entends souvent que les femmes découvrent le périnée après l’accouchement ou au moment de la préparation de l’accouchement pendant la grossesse. Du coup, beaucoup de femmes découvrent très tardivement l’utilisation et même l’existence de ce muscle-là. Est-ce que toi, dans ta pratique, tu as constaté la même chose ?

Tiphaine : Justement, ce que tu dis est vraiment très intéressant parce qu’on remarque vraiment dans notre profession que, souvent, les femmes se voient prescrire de la rééducation périnéale justement en post-partum et que, souvent, avant, le périnée, on ne leur en a jamais beaucoup parlé. C’est quelque chose qui est parfois totalement abstrait et donc elles découvrent ça pendant la rééducation et souvent, elles me disent : « Mais pourquoi on ne m’a pas expliqué ça avant ? »

Parce que le problème, c’est que c’est un sujet super tabou et donc c’est vraiment dommage que ce ne soit pas expliqué en effet avant aux jeunes femmes, et même aux jeunes hommes aussi (parce que les hommes ont des périnées aussi).

Moi, personnellement, ce que j’essaie vraiment d’apprendre aux patientes, c’est de bien utiliser ce périnée, en fait, parce que c’est ça le plus important, c’est de l’utiliser à bon escient. Et souvent, on a tendance à croire que le périnée doit être un muscle fort, qu’il doit nous empêcher d’avoir des fuites, de subir des prolapsus, donc tout ce qui est descente d’organe. On le voit vraiment comme ça : il doit être quelque chose de fort, mais en fait, pas du tout. Il n’a pas besoin de force, le périnée.

Le périnée a deux grands rôles principaux.
Le premier, c’est de se relâcher parce que si on a un périnée qui est tout tendu, pour faire pipi, c’est compliqué. Donc, il doit être relâché pour faire pipi, pour aller à selle, pour avoir un rapport sexuel non douloureux. Ça rejoint un rôle très important dans la vie sexuelle aussi, et aussi pour l’accouchement. Idéalement, ce périnée doit être le plus relâché possible et pas tout tendu sinon le bébé aura du mal à passer.
Et après, son deuxième grand rôle, alors là, ça va être justement, oui, d’empêcher les fuites, donc que ce soit des fuites d’urine, des fuites de gaz et des fuites de selles, et d’assurer un rôle de soutien parce que, du coup, le périnée vient fermer le bassin. S’il n’y avait pas de périnée, les organes tomberaient entre nos jambes, entre guillemets. Un nom qu’on lui donne aussi, à ce périnée, c’est le plancher pelvien, avec vraiment un rôle de plancher là, en dessous.

Et ce sont ces rôles-là, donc d’empêcher les fuites et de soutien, qui sont essentiels. Le soutien, c’est tout le temps, mais encore plus quand on fait un effort, quand on est dans le mouvement, en fait. Donc, du coup, le périnée va venir se contracter dans le mouvement, pour faire un effort. Par contre, quand on est au repos, il faut le laisser se relâcher.

Une bonne image qui peut parler, c’est Usain Bolt avant sa course : il est tout mou, tout relâché. On le voit, il se secoue dans tous les sens, on voit ses muscles qui ballottent de tous les côtés. Il se met sur les starting-blocks, le top départ est donné, et là, il est super tonique et il fonce. Il a fini sa course, et de nouveau, il est relâché.
Notre périnée devrait fonctionner de la même façon : il est relâché quand on est au repos. Donc, toi et moi, assises, on devrait être complètement relâchées au niveau du périnée, et puis une fois qu’on va se mettre debout, qu’on va se mettre en mouvement, hop, il va se contracter pour venir soutenir l’effort qu’on est en train de faire. Et comme ça toute la journée, en fait : je me contracte et je me relâche, je me contracte et je me relâche. Malheureusement, dans notre société, on est souvent plus tendu que relâché, et donc au final, j’axe parfois plus mon travail sur le relâchement que sur la contraction parce que c’est parfois beaucoup plus difficile de relâcher que de contracter.

Sabine : C’est très, très intéressant ce que tu dis et je pense que tu as raison de souligner les deux extrêmes. Parce que, justement, je fais partie de celles qui ont eu la chance d’avoir une maman qui était très informée sur le sujet, qui m’en a parlé très, très tôt, très jeune, et qui m’a appris à le travailler, à le contracter. Et moi qui pensais faire les choses bien, j’ai découvert au moment où j’ai préparé mon accouchement que j’avais un périnée très tonique, un peu trop tonique, ce qui pouvait me poser des problèmes pendant l’accouchement. Et ça, j’avoue que j’étais très, très surprise parce que je pensais faire les choses vraiment bien depuis mon enfance. Donc, c’est important de savoir que, que ce soit trop tonique ou pas du tout tonique, il y a un entre-deux à trouver, un équilibre dans le travail du périnée, dans la proprioception du périnée.

Tiphaine : Moi, ce que je trouve bien, c’est que de plus en plus, on entend parler du périnée. Donc, de plus en plus, dans tout ce qui est cours de sport, un peu type Pilates, yoga, ou ce genre de choses, on vient dire aux femmes « serrez votre périnée, serrez votre périnée, serrez votre périnée ».
Déjà, pour celles qui n’ont pas accouché, un périnée, c’est quoi ? « Oui, je sais plus ou moins où ça se situe, mais comment je fais pour le contracter ou pas ? » Et on ne parle que de le contracter, le contracter, le contracter, on ne parle jamais de le relâcher. Donc, c’est bien qu’on en parle, mais pas encore de la meilleure des manières, je pense. Et en effet, on ne sait pas comment le contracter. Souvent, quand on demande à une femme de serrer le périnée, parfois, ce sont les fesses qui se serrent, ou bien les jambes, ou bien le ventre qui se contracte trop fort, et tout ce genre de choses.

Et donc, du coup, pour celles qui vont nous écouter, qui n’ont peut-être pas encore accouché et qui ne savent pas trop ce que c’est le périnée, je vais leur dire un truc qui marche plutôt bien : avec votre cerveau, vous allez passer la commande de serrer l’anus et de serrer le vagin, parce que l’anus et le vagin, votre corps sait ce que c’est, votre tête sait ce que c’est, elle sait où ça se situe, et faire la commande de serrer l’anus et de serrer le vagin passe beaucoup mieux que de serrer le périnée, parce que le périnée, c’est abstrait. Votre cerveau ne sait pas trop ce que c’est, il ne sait pas se le représenter, mais votre anus et votre vagin, il sait très bien où ça se situe et il sait très bien comment faire pour les contracter ou les relâcher.

Sabine : Oui, donc effectivement, il y a un vrai souci au niveau de la connaissance de son propre corps, que ce soit du coup les hommes ou les femmes, à ces niveaux-là pour le périnée, et donc de comment ça fonctionne, comment je le ressens et de tous ces domaines-là de la proprioception de son propre corps, que je trouve assez grave sur ce sujet-là du coup. Et je me dis qu’il y a un risque que, si on est une femme qui n’a pas encore eu d’enfant, qui n’a jamais eu de problèmes de fuite ou qui comme moi accouche par césarienne, s’il n’y a pas justement un risque de passer complètement à côté de ce sujet-là.

Tiphaine : … ou des femmes qui ne vont jamais être enceintes et qui ne vont jamais accoucher. Au final, j’ai eu une patiente ici récemment, elle a plus de 50 ans et elle a des problèmes de fuites urinaires. Elle n’a pas eu d’enfant, on ne lui a jamais parlé de son périnée. Par exemple, c’est une patiente qui a toujours eu des problèmes un peu de constipation et de douleurs pendant les rapports sexuels parce que justement, son périnée est trop tendu, elle n’arrive pas à le relâcher. Et là, on en a parlé et elle a découvert quelque chose qu’elle ne connaissait pas, alors qu’elle a plus de 50 ans. Donc on se dit, c’est quand même fou.

Sabine : Je suis d’accord, je trouve ça dingue. Et maintenant, heureusement, il existe des personnes comme toi qui sont compétentes, qui partagent leurs connaissances, qui aident les femmes à prendre conscience de leur propre corps et qui permettent aussi qu’on puisse transmettre ces connaissances. Moi, j’ai eu la chance d’avoir une maman qui était informée sur le sujet, qui m’a transmis ces informations très jeune, qui a fait de son mieux. Aujourd’hui, je sais qu’on peut faire un peu mieux encore, mais j’ai eu cette chance-là que beaucoup de femmes n’ont pas (de m’intéresser très, très tôt à cette partie de mon corps, à connaître mon corps), et je trouve ça vraiment tellement important de travailler justement sur comment fonctionne son corps, comment on sent son corps. C’est vraiment un sujet que je trouve primordial.

D’ailleurs, à ce niveau-là, comment tu fais ? Comment tu travailles avec des patientes pour leur faire prendre conscience de leur périnée ?

Tiphaine : Ce que j’aime bien faire avec les patientes, c’est de leur faire toucher le bassin. Donc devant – enfin, je parle de patiente parce que je ne vois que des femmes, mais c’est la même chose pour les hommes – pour les femmes, vraiment au niveau du bas-ventre, juste avant le début de la vulve, on a un os dur qui s’appelle le pubis. Le périnée va s’insérer en partie là, devant. Ensuite, sur les côtés, il va venir s’insérer sur les ischions, les os pointus qu’on a en dessous des fesses, et puis derrière, au niveau du sacrum et du coccyx. Donc, il va s’insérer sur ces quatre points-là. Ensuite, ce périnée, il va être traversé par des orifices : trois pour les femmes, deux pour les hommes (chez la femme, de derrière vers l’avant, on a l’anus, le vagin et l’urètre, et pour les hommes, on a l’anus et l’urètre).

Pour le contracter, comme je disais, il faut penser à serrer l’anus, serrer le vagin. On pourrait même dire jusqu’au clitoris parce que ces muscles du périnée viennent même jusqu’au clitoris. Donc on pourrait même dire ça, un peu en mode « je ferme une tirette et je la fais monter », parce que le périnée, c’est ça, il va remonter. Les muscles les plus forts sont derrière, donc du coup, ça va d’abord, entre guillemets, venir chercher l’anus, puis le vagin, puis l’urètre et puis le clitoris. Donc on pourrait imaginer que ça se ferme, que ça tire vers le haut, que ça se ferme en tirette de l’arrière vers l’avant.

Puis ensuite, une fois qu’on a contracté, il faut venir relâcher. Quand on contracte, on va essayer de ne pas contracter les fesses, de ne pas contracter les cuisses et de ne pas trop contracter le ventre. Le ventre va se mettre un petit peu en tension parce qu’il travaille en synergie avec la sangle abdominale et le périnée. Et pour le relâcher, ça demande deux notions. Ce que j’aime bien dire aux patientes, c’est que le corps et l’esprit, ça ne se divise pas. Le périnée, c’est un muscle qui est fortement lié aux émotions. Pour pouvoir le relâcher, il faut pouvoir aussi un peu relâcher son esprit, être d’accord de lâcher prise, ce qui est souvent difficile.

Pour ce lâcher-prise, j’ai toute une technique : je ne vais pas l’expliquer ici, ça n’aurait pas de sens. Mais c’est une reprise de conscience de soi, en fait, que la femme reprenne… je soigne des femmes, donc je dis « elle » reprenne un peu le pouvoir sur elle-même. Souvent, elles sont trop dans le don de soi, elles s’oublient et elles ne sont plus en fait maîtresses de leur vie et de leur corps. Donc c’est ce que j’essaie de leur faire travailler.

Et aussi, du coup, l’autre axe pour le relâchement, c’est la respiration, et là c’est la respiration abdominale. Ça veut dire respirer dans son ventre : inspirer, laisser son ventre se gonfler, expirer, laisser son ventre rentrer. Souvent, les personnes respirent à l’inverse, elles ont une respiration accessoire, en fait, elles viennent tout respirer dans le thorax, dans le haut de la poitrine, et elles ne savent plus respirer dans leur ventre. Et ça aussi, c’est un travail vraiment pour venir relâcher ce périnée, parce que, comme je disais, le périnée et la sangle abdominale ont vraiment un lien, ils travaillent en synergie. Donc si vous relâchez bien votre sangle abdominale, vous avez plus de chances de bien relâcher votre périnée.

Sabine : Wow, merci, j’adore vraiment tout ce que tu viens de partager. Que ce soit la gestion des émotions, la synergie entre le corps et l’esprit, la respiration profonde et la détente profonde… Ce sont autant de choses que je partage déjà, notamment sur mon blog, puisque c’est complètement en phase avec ma vision des choses. Ce que tu viens de me dire, ça m’a un peu ouvert les chakras, parce que je me rends compte que tout est lié et je n’avais jamais fait le lien, effectivement, avec le périnée.

Je trouve ça hyper, hyper riche, et tu nous rappelles en fait que le périnée fait partie intégrante de notre corps et de notre expérience du quotidien.

Tiphaine : Faire pipi, aller à la selle, avoir un rapport sexuel – enfin, les rapports sexuels, peut-être un peu moins, parce que ça dépend – c’est vital. Et en fait, le périnée, c’est un organe vital, mais on l’oublie, on ne l’apprend pas et on ne l’éduque pas. Ça devrait être appris dès le plus jeune âge, en fait, mais on en fait tellement un sujet tabou.

Et il y a aussi plein de conseils hygiéno-comportementaux à donner, parce que tout vient avec ça. D’ailleurs, ça me fait penser à ce que tu disais sur les chakras. Je pense, par exemple, au yoga – ce n’est pas du tout mon domaine, je ne suis pas spécialisée là-dedans – mais il y a un chakra qui se situe au niveau du périnée, non ?

Sabine : Oui, je crois que tu parles du yoni, qui est considéré comme le centre principal d’énergie de la femme.

Tiphaine : Oui, voilà. Et donc, vraiment, en fait, quand je disais que c’était lié aux émotions, c’est que si vous êtes tendue, stressée, au niveau des épaules, par exemple, si vos épaules se relèvent parce que vous êtes tout stressée, tout tendue, il y a de fortes chances que, là en bas, ce soit exactement la même chose, que ce soit tendu aussi. Et ça peut être intéressant que les gens fassent le lien, s’ils arrivent déjà, s’ils ont déjà une certaine capacité à se relâcher, à lâcher prise, qu’ils axent plus leur ressenti, du coup, sur leur périnée, pour sentir : « Ah oui, en fait, là j’étais tout stressé, en effet mon périnée était tout tendu. Quand je dis à mon corps de relâcher mon anus et mon vagin, je sens la différence », et ça peut être intéressant pour les personnes qui sont un peu plus déjà adeptes à ce genre de choses.

Sabine : Merci beaucoup pour ces conseils. D’ailleurs, ce que tu dis me fait beaucoup penser au travail musculaire en général, c’est-à-dire qu’on va avoir des périodes de travail intense, comme quand on fait une séance de sport ou de musculation, et ensuite des périodes de repos – qui sont tout aussi cruciales- où on va laisser le muscle se reposer et se reconstituer, et c’est là qu’il va vraiment se renforcer. Donc, il y a effectivement toujours, dans le travail musculaire, cette alternance entre le renforcement et le relâchement, qui est nécessaire pour le faire fonctionner et le tonifier de façon efficace.

Tiphaine : Oui, exactement. Il faut lui laisser le temps de récupérer et de reprendre de l’énergie, en fait. Donc, quand on est au repos, il est au repos aussi. Puis hop, quand on est en mouvement, on a besoin de lui, et hop, il se contracte. Il a pris le repos qu’il avait besoin de prendre.

Et quand on fait le lien avec l’accouchement, c’est la même chose : l’accouchement, c’est un grand lâcher-prise, c’est s’autoriser à lâcher prise et s’autoriser, en fait, à lâcher son périnée. Mais c’est quelque chose qui est difficile à faire si on ne sait pas comment le faire.

Sabine : Oui, au fond, c’est assez logique. C’est comme vouloir serrer le poing si on n’a jamais senti sa main, c’est impossible. Donc là, on est face au même problème : comment tonifier ou détendre le périnée si on ne sait pas ce que c’est ? Et après une grossesse et un accouchement, il y a énormément de choses qui changent pour la femme, que ce soit dans son corps, dans son identité, dans sa psychologie. Il y a aussi le fait qu’elle doit nouer le lien avec son bébé, créer une nouvelle famille. C’est merveilleux, mais c’est beaucoup de challenges.

Et au milieu de tout ça, je trouve que ce serait tellement plus simple si on pouvait préparer les femmes aux enjeux du périnée en amont. D’une part, parce que ça peut participer à faciliter un peu l’accouchement, comme tu l’expliquais, mais aussi parce que ça va forcément faciliter la récupération post-accouchement.

Tiphaine : Je voulais rebondir sur ce que tu dis parce que ça me fait penser à deux choses, en fait, par rapport à la rééducation abdominale. Beaucoup de femmes pensent qu’en fait la rééducation se passe avec une sonde intravaginale et qu’elles ont des exercices à faire avec cette sonde, et que ça se limite à ça. Mais pas du tout ! À une certaine époque, peut-être, dans nos connaissances limitées, certaines pratiques se limitaient à ça, mais maintenant, ça a vraiment évolué.

Et donc, j’alerte par rapport à ça : si jamais votre… parce que je sais qu’en France, plus qu’en Belgique, les sages-femmes peuvent aussi faire la rééducation du périnée. Donc, soit votre sage-femme, soit votre kiné, s’ils ne travaillent avec vous qu’avec la sonde et ne font rien d’autre, allez voir ailleurs, parce qu’il y a beaucoup d’autres choses à faire qui vont être fonctionnelles. Je ne dis pas que la sonde est interdite, pas du tout ; elle peut être très utile dans certains cas, mais on ne peut pas faire que ça. C’est pas suffisant, il faut que ce soit fonctionnel. Le but, c’est vraiment ça, il faut que votre périnée soit fonctionnel.

Sabine : Merci beaucoup. Et du coup, ça m’amène à te poser cette question : quelles sont les conséquences éventuelles si on ne fait pas une rééducation périnéale appropriée ?

Tiphaine : Souvent, j’ai beaucoup de femmes qui viennent en rééducation post-partum en me disant : « Oui, voilà, je viens chez vous parce qu’on m’a dit de venir et pour éviter d’avoir des fuites plus tard. » Alors, c’est vrai que c’est du préventif, mais parfois on traite déjà des pathologies présentes. Il y a quand même beaucoup de nouvelles mamans ou même de futures mamans, qui, déjà enceintes, ont des épisodes de fuites. Donc là, c’est vraiment une pathologie à traiter.

Après, il y a des femmes qui viennent en post-partum et qui me disent : « On m’a dit de venir, mais moi, tout va bien, je n’ai pas de difficultés. » Alors, c’est possible de ne pas avoir de difficultés à ce moment-là, mais on part du principe que mal utiliser son périnée sur le long terme, avec plusieurs grossesses, accouchements ou même en poussant fort pour aller à la selle, peut causer des problèmes plus tard. C’est comme ça qu’à 45, 50 ans, ou parfois même plus jeune, on peut voir apparaître des fuites urinaires.

Évidemment, certaines femmes n’en auront jamais, car inconsciemment elles utilisent bien leur périnée sans vraiment avoir besoin de faire cette rééducation. Moi, je la trouve très intéressante pour se réapproprier cette zone du corps qui peut avoir été mutilée lors de l’accouchement, avec des épisiotomies, des déchirures, ce genre de choses (qui reste encore très tabou). Se la réapproprier, l’utiliser correctement, c’est important pour espérer ne pas avoir des problèmes à 45, 50 ou 60 ans. C’est l’objectif de cette rééducation, qui parfois semble un peu abstraite pour certaines patientes qui n’ont pas de problèmes à l’instant T. C’est vraiment un travail préventif.

Le problème de fuite urinaire à 50, 60 ans, c’est quelque chose qui parle aux femmes. Souvent elles ont pas envie, elles se disent « j’ai pas envie de mettre une couche Téna à 50 ans parce que j’ai des fuites urinaires, donc je viens faire ma rééducation ». Et souvent c’est ce qui les motive.

Sabine : Merci beaucoup. Je pense qu’en effet, une grande partie de l’audience me rejoindra pour dire que c’est une motivation parfaitement compréhensible. Maintenant, j’aimerais te demander : si je te dis « diastasis« , qu’est-ce que ça t’évoque ?

Tiphaine : Alors oui c’est un sujet très intéressant aussi. Le diastasis des grands droits : pour les personnes qui ne savent pas ce que c’est les grands droits c’est les abdominaux tablettes de chocolat, cela on les voit bien dans les magazines. Donc les grands droits sont reliés entre eux par ce qu’on appelle la ligne blanche. C’est du tissu conjonctif qu’on pourrait un peu comparer au même type de tissu que les ligaments ou ce genre de choses. Il relie les deux grands droits au milieu et cette ligne blanche va être traversée par le nombril.

Pendant la grossesse, les grands droits vont faire un peu comme des effets de bretelles. C’est comme les bretelles chez un homme : plus le ventre est gros plus ça tire et puis ça va s’écarter. Donc les grands droits c’est la même chose ils vont s’étirer et ils vont s’écarter, donc cette ligne blanche va être étirée. Et donc avoir un diastasis c’est ça : c’est l’écartement entre les grands droits.

Ce diastasis enceinte est totalement physiologique : vos grands droits n’ont pas d’autre choix que de faire l’effet bretelle avec le bébé qui vient prendre la place dans votre ventre, donc pas de panique. Une fois qu’on a accouché, le bébé est parti, l’utérus va reprendre sa place petit à petit, doucement et donc tout votre sangle abdominale va aussi reprendre sa place. Vos grands droits vont petit à petit se raccourcir se rapprocher et donc garder un diastasis dans les premiers mois postpartum c’est normal.

Il faut laisser le temps au corps de se réparer de retrouver sa forme d’avant, même si on ne récupère pas exactement comme avant. Ca c’est aussi physiologique. Nous les kinés, on vient tester ce diastasis pour voir à quel point il est important.

Donc c’est quelque chose qui va se remettre naturellement mais un petit coup de pouce d’exercice de la sangle abdominal va vraiment venir ici retonifier cette ligne blanche entre les grands droits. Et c’est ça le but, c’est que cette ligne blanche ne soit pas toute lâche. Le but c’est qu’elle se retonifie aussi, comme vos grands droits, comme votre sanglée abdominal, pour que de nouveau il soit fonctionnel. Parce que il se peut qu’il y ait un diastasis qui persiste, que les grands droits ne reviennent plus aussi proche qu’avant la grossesse.

Si la ligne blanche entre les deux est tonique c’est pas un problème, c’est pas pathologique, c’est juste pas très esthétique et c’est souvent ça qui pose problème. Dans notre société, on voit des images de femmes avec des ventres plat magnifiques, il y a rien qui dépasse, c’est des belles tablettes de chocolat justement comme je disais et ils ont pas un espace comme ça entre leurs tablettes de chocolat. Du coup c’est juste un problème esthétique. Pour l’image de soi, ça peut être un vrai problème, je l’entends.

Par contre le diastasis va devenir problématique si justement cette ligne blanche craque et qu’il y a un trou dans cette ligne blanche. En fait à ce moment là ça veut dire qu’il y a des bouts de votre de vos intestins qui peuvent se passer et donc on peut voir qu’on appelle une hernie et c’est là que ça devient pathologique. S’il y a une hernie, il ne faut pas intervenir sur chirurgicalement tout de suite, c’est pas une urgence chirurgicale. Mais il faut l’avoir à l’œil, il faut la surveiller parce que cette zone-là ne doit pas devenir douloureuse, rouge, chaude : il faudrait pas que ce bout d’intestin qui passe dans les trous de cette ligne blanche vienne être étranglé. Là ça pourrait commencer à poser problème vraiment pour arriver sur une vraie pathologie qui là deviendrait une urgence chirurgicale.

Mais en soit le diastasis, il faut le rééduquer pour retonifier c’est une blanche, retonifier ces grands droits pour qu’ils soient de nouveau fonctionnels, qu’ils puissent supporter vos efforts dans la vie de tous les jours. Une fois que cette ligne blanche se retonifie avec votre sangle abdominale, même s’il reste un petit écart, c’est pas c’est pas grave. On ne risque rien de grave, là c’est vraiment l’esthétique qui vient en compte.

Sabine : Alors dans ce que tu dis, il y a beaucoup de choses intéressantes à relever. Je vais me concentrer sur quelques éléments qui m’ont vraiment interpellée . Le premier c’est que tu parles effectivement de la rééducation de la sanglée abdominal : pour toi le diastasis se réduit naturellement parce qu’il faut l’accompagner par une rééducation et ça c’est quelque chose que je n’ai jamais entendu après mon accouchement. On m’a bien parlé de la rééducation du périnée avec sonde, avec les exercices etc. Pas de problème. Mais on ne m’a jamais parlé de la rééducation abominale et je trouve ça hyper hyper grave.

Là je suis à plus de deux ans après mon accouchement et je découvre tout juste cette histoire de diastasis. Je découvre que j’en ai un et que c’est très certainement d’ailleurs la cause d’une partie de mes maux de dos que j’ai depuis deux ans, ce qui est abominable. Et je suis choquée parce que j’ai découvert ça par accident et que ma sage femme ne m’en a jamais parlé, ni elle ni d’ailleurs personne d’autre de tout le personnel médical. C’est quelque chose qui m’a vraiment choquée.

Tiphaine : Moi ce qui m’interpelle, c’est que t’as fait la rééducation du périnée mais on n’a pas rééduqué la sangle abdominal alors.

Sabine : Absolument c’est tout à fait ça et je pense que ça vient aussi du contexte français, dans lequel on peut après l’accouchement aller voir simplement une sage femme pour la rééducation périnéale, on n’est pas forcément adressé à un kiné (en tout cas on ne m’en a jamais parlé), ce qui fait que on n’a pas connaissance de tout ce qui touche à l’abdominal puisque c’est pas du tout le domaine de compétences de sage femme à priori. Donc je pense que ça vient aussi de là, ça vient du contexte spécifique français.

Tiphaine : Oui, c’est super intéressant ce que tu racontes et c’est vrai qu’en fait, c’est peut-être un défaut professionnel, c’est que le diastasis comme tu disais je l’ai fortement associé au côté esthétique parce qu’en fait pour moi la sangle abdominale est vraiment importante.
Quand je parle de sangle abdominale, je parle du transverse des obliques, et les grands droits qui sont devant, c’est vraiment la couche superficielle : ils sont utiles mais c’est pas eux qui vont avoir un rôle important dans ce qui est justement problème de dos et périnée.

Du coup dans la rééducation abdomino-pelvienne, pour moi qu’il y ait diastasis ou pas diastasis, césarienne ou pas césarienne, il y a eu grossesse donc du coup on rééduque la sangle abdominale : c’est indispensable parce que comme les grands droits, tous les autres muscles de l’abdomen se sont aussi distendus et se sont étirés pendant la grossesse.

Tout a besoin d’être rééduqué, surtout qu’en fait le périnée et la sangle abdominale travaillent ensemble. Il y a des études maintenant scientifiques qui sont en train de montrer que le périnée a un rôle dans les problèmes de dos, parce qu’il travaille en synergie avec la sangle abdominale. En fait quand je parle de venir contracter son périnée quand on fait un effort, en même temps on vient aussi contracter sa sangle abdominale (ici on voit pas parce que du coup personne ne verra l’image mais j’ai une main en dessous et une main au dessus). En fait ils travaillent ensemble, en dessous ça se serre, au dessus ça se serre et ça travaille à l’effort. Puis après quand c’est au repos il faut relâcher.

La sangle abdominale, c’est exactement la même chose que le périnée : si vous voulez une sangle abdominale efficace, mesdames, lâchez votre ventre ! Au repos, lâchez-le. C’est la même chose que les autres muscles : si vous avez un ventre que vous laissez rentré 24 heures sur 24 heures toute la journée,
vous êtes en train de l’épuiser pour rien. Il ne sera plus efficace et après souvent l’image qu’on donne,
c’est qu’à 50 ans vous n’arriverez plus jamais à serrer votre ventre. On se dit « Aaaaah, il est gros, il est gros, il se rentre plus » parce que pendant toute votre jeunesse, vous devez rentré votre ventre, la même chose que serrer le périnée. Il faut pouvoir le relâcher, il faut lui donner de l’air, il faut lui permettre de reprendre de l’énergie. Donc au repos, on se relâche.

Il faut se permettre d’avoir un ventre qui prend sa forme de repos et puis après à l’effort, là on va le serrer. Le fait de serrer, relâcher, serrer, relâcher, c’est comme ça que vous allez retonifier votre sangle abdominale, plus les exercices de rééducation proprement dite chez le kiné ou avec un coach sportif. Mais voilà, en fait c’est la même chose.

Sabine : Exactement et d’ailleurs ça me fait penser justement : quand on est enceinte ou qu’on vient d’accoucher et qu’on voit son ventre relâché parce qu’il y a beaucoup de peau en plus etc… et puis on vient d’accoucher on va porter la vie pendant 9 mois, notre corps s’est adapté à cette nouvelle vie qui grandissait en nous. Et du coup quand on nous dit relâcher le ventre, comme tu viens de le dire (contracter, relâcher), on a cette vision du ventre complètement flasque.

Mais ce que je veux dire, ce qui est hyper important ici c’est qu’il faut faire la différence entre flasque
et relâché.
Un ventre qui a été relativement correctement travaillé, qui est tonique peut être relâché sans être complètement flasque et c’est important d’avoir cette notion là, de se dire que petit à petit notre ventre va être relâché mais malgré tout gagner en tonicité.

Tiphaine : Oui, c’est ça qui est compliqué aussi pour les mamans mais pour les femmes aussi en général, c’est qu’il faut autoriser ce ventre lourd flasque qu’on aime pas au début, et à force en effet de
contracter, relâcher, contracter, relâcher, contracter, relâcher, vos muscles vont commencer à retrouver
une tonicité de base
en fait. Mais pour pouvoir retrouver ça, il faut pouvoir accepter que ok, là c’est évident que les mamans qui nous écoutent, vous avez fait un enfant pendant neuf mois vous avez construit un être, c’est dingue vous avez créé la vie et donc remerciez votre corps, remerciez votre ventre. Certes, il est mou, flasque, vous aimez peut être pas trop pour l’instant. Mais apprenez à l’aimer, autoriser le à se relâcher pour que vous puissiez après bien l’utiliser et bien le refaire fonctionner correctement

Et grâce à ça, en l’utilisant correctement, vous allez le retonifier même sans vous en rendre compte. Je vais pas dire pas besoin d’aller passer deux heures à la salle mais presque, parce qu’en fait le plus important, c’est de bien l’utiliser au jour le jour. C’est mieux d’utiliser correctement 24 heures
sur 24 que d’aller faire une heure de sport trois fois par semaine. Ce sera plus efficace. 24 heures
sur 24 heures, c’est plus efficace que trois heures sur la semaine.

Du coup, c’est vraiment ça l’idée c’est « on le sert, on le relâche, on le sert », c’est la même chose que pour le périnée. En fait vous pouvez faire énormément de choses à la maison, dans la vie de tous les jours.

Sabine : Exactement ! Et je trouve que c’est une façon parfaite de conclure ce merveilleux échange ensemble.

Tiphaine, je te remercie beaucoup d’avoir partagé toutes tes connaissances, ta passion et tous ces conseils pour nos auditrices et moi-même. J’ai vraiment adoré cet échange, je suis vraiment vraiment heureuse que tu aies pris ce temps pour partager avec nous, et encore merci, merci pour tout ce que tu fais pour les femmes au quotidien.

Tiphaine : Merci à toi de m’avoir invité, et super super idée ce podcast. Longue vie à Maman
Va Bien
!

Sabine : C’est vraiment gentil merci beaucoup, Tiphaine ! Et encore une fois merci à toi et à très bientôt
j’espère.

Tiphaine : À très bientôt, Sabine. Salut !


Et voilà c’est ainsi que s’achève la deuxième partie de l’interview de Tiphaine.

J’espère que comme moi vous avez passé un excellent moment, que vous avez appris plein de choses et que vous avez trouvé ça passionnant, très intéressant.

Comme d’habitude si cet épisode vous a plu n’hésitez pas à lui donner cinq étoiles sur la plateforme où vous l’écoutez, et à me laisser un commentaire pour me poser des questions ou proposer des sujets dont on pourra discuter au prochain épisode.

Et d’ici là je vous dit, à très bientôt !

Si vous avez aimé cet article, n'hésitez pas à le partager ! ;-)

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.