Cet article fait suite à la première partie sur « la matrescence : transition vers la maternité », que je vous invite à lire au préalable. Dans cet article, nous allons voir pourquoi il est crutial de comprendre les enjeux de la matrescence. Ensuite, j’évoquerai des différentes frustrations liées à la maternité et des éventuels moyens de les gérer.
Les bénéfices de la compréhension de la matrescence
Comme dans beaucoup d’autres aspects de la maternité, le fait de se renseigner et d’avoir conscience en amont des enjeux de la matrescence est une clé précieuse pour améliorer l’expérience du post-partum et la santé mentale et physique de la jeune maman.
Elle permet d’abord de mieux s’adapter à la nouvelle situation. Une meilleure adaptation permet une plus grande sérénité et donc un meilleur bien-être mental, mais aussi une meilleure transition dans les relations de familiales.
Elle renforce le bien-être mental en permettant d’avoir connaissance et de s’adapter aux nouvelles émotions, et de chercher de l’aide lorsque c’est nécessaire.
À travers une communication ouverte et authentique, elle permet de renforcer les relations familiales, et de favoriser le soutien mutuel, ce qui est une clé importante également pour le bien-être mental.
Enfin, et ce n’est pas négligeable, anticiper et comprendre la matrescence aide à réduire drastiquement les risques de dépression post-partum. En prenant soin de l’état mental et physique de la maman, on prépare le terrain pour un post-partum apaisé, et pour une transition identitaire paisible. Une dépression post-partum peut durer plusieurs années, fracturer des familles et détruire des vies. Aujourd’hui, près de 20% des jeunes mamans font une dépression post-partum (et on ne parle que de celles qui sont identifiées et suivies…).
Une maman sur cinq, c’est beaucoup trop !
Pour toutes ces raisons, il est vraiment capital de s’intéresser et de s’informer sur la matrescence.
Le sentiment d’inadéquation
Une grande majorité des mamans, sinon toutes, se reconnaîtrons dans le sentiment d’être dépassée par leur nouveau rôle. Comment être à la hauteur ? Comment faire ce qu’il faut ? Comment savoir si l’on ne s’est pas trompée ?
Ce sentiment, très lourd, peut entraîner une anxiété et une perte de confiance en soi qui vont alourdir encore davantage le poids de son rôle de nouvelle mère. Ce fardeau émotionnel peut avoir un impact direct sur sa santé physique, en plus de sa santé mentale.
Pour se prémunir contre ce sentiment, il est important de se renseigner, d’acquérir les connaissances qui nous semblent manquer. Il est très utile aussi de ne pas hésiter à demander de l’aide, tout en gardant en tête de ne pas accepter de conseil qui soit contraire à nos valeurs. De même, tout conseil qui coûte plus d’énergie qu’on en a n’est pas réaliste.
Le troisième ingrédient important, c’est de faire preuve de compassion envers soi-même.
« J’ai fait une erreur ? C’est ok, je fais de mon mieux et j’ai appris de cette erreur : je ne la referai pas et je deviens plus compétente. Je m’améliore dans mon rôle de maman. »
La perte d’identité
C’est un problème dont j’ai très peu entendu parler et qui pourtant a été pour moi le plus difficile. Cette perte d’identité est en fait le départ d’un changement d’identité qui est nécessaire pour endosser le nouveau rôle de maman. Mais ce changement ne peut avoir lieu que si on accueil d’abord l’impression de perdre en liberté et en autonomie. Or, je n’ai pas l’impression que ce changement d’identité soit vraiment bien préparé : je n’en ai pas entendu parler pendant toute ma préparation, et c’est ma psychologue qui m’a aidée à y faire face quand j’en ai parlé après coup.
C’est dommage, car pendant toute une période, j’ai été vraiment désarçonnée. J’ai vécu des moments de distanciation avec mon fils ou mon entourage. J’ai aussi connu des moments d’intense frustrations parce que je n’etais plus capable de me concentrer comme avant, ou que ma mémoire me faisait défaut. Je me sentais devenir stupide et le mythe du « cerveau de maman » qui devient défectueux n’a pas du tout aidé.
Je vous rassure : le cerveau de maman est tout sauf défectueux ! Il est différent, il y a certaines fonctions qui ne marchent plus comme avant, tout simplement parce que d’autres fonctions ont été ajoutées pour permettre à la jeune mère de se rendre disponible pour apprendre à prendre soin de son enfant (1). Ainsi, elle peut être émotionnellement disponible pour que l’enfant puisse développer son attachement et se développer sainement. Cette « mutation » neurologique est indispensable pour les deux, et il est vital de l’accepter, au risque de subir une charge mentale et un sentiment de culpabilité impitoyables.
Pour cela il est nécessaire de s’accorder du temps : il vous faudra vous habituer à ce nouveau fonctionnement et l’accepter. Votre corps a changé, votre cerveau également puisqu’il en fait partie. Ce changement est normal et nécessaire, alors il est important de faire la paix avec cela.
Vous pouvez en parler avec votre partenaire, car il sera très certainement le premier concerné par certains changements dans votre comportement. Il est important de discuter ensemble de vos besoins respectifs et de votre relation pour qu’elle puisse évoluer également.
Enfin, il est très important d’apprendre à identifier, nommer et exprimer vos besoins pour qu’ils soient compris et respecter. Si vous avez besoin de temps, n’hésitez pas à le demander. Si vous avez besoin d’être entourée ou soutenue, dites-le. C’est vraiment une étape clé pour une maternité plus sereine. Attention : un besoin n’est pas un caprice, ce n’est pas une « envie ». Je n’ai pas « besoin de manger du chocolat » ; j’ai besoin de réconfort ou d’apaisement, et je trouve cet apaisement en mangeant du chocolat. La distinction est vraiment très importante, car c’est ainsi que vous pourrez trouver différents moyens de satisfaire vos besoins, même quand votre solution par défaut n’est pas disponible (pas de chocolat ? Peut-être qu’un gros calin ou de la musique pourrait aider ?). Ainsi, vous pourrez mieux prendre soin de vous-même.
Les changements dans les relations
Parce que votre identité change, votre fonctionnement change et vos priorités également, il est évident que vos relations seront impactées aussi. Votre couple sera le premier domaine qui sera impacté par ces changements. Il arrive souvent que le/la partenaire se plaigne de ne plus reconnaître la nouvelle maman. Les différents éléments cités avant expliquent en partie pourquoi. Cependant, la relation étant la rencontre entre deux personnes, si l’une d’elles change, la relation change également et il est important d’en tenir compte.
Il est courant d’entendre parler du « Baby Clash » à ce moment-là, au cours de la première année après la naissance du bébé. Évidemment, la fatigue et les brusques changements de risque jouent beaucoup. Mais le décalage entre les nouvelles identités des parents y joue une très grande part également. Face aux problèmes, un couple a mis en place une certaine dynamique qui fonctionnait avant. Mais avec les changements qu’il traverse, cette dynamique est enrayée et il faut établir de nouvelles règles de fonctionnement, trouver un autre moyen de s’écouter, de communiquer. Bref, les règles changent et le couple avec.
Pour vous y aider, il est important de rester honnête et authentique l’un avec l’autre, d’accepter de parler de ses vulnérabilités et de ses besoins, et d’entendre celles de l’autre. Il est très important aussi de communiquer sur les nouvelles priorités de chacun, mais aussi de réaffirmer le lien et l’affection qui vous unit et qui vous permettra de faire évoluer la relation pour qu’elle s’épanouisse avec vous.
Cela passera par des compromis mutuels, évidemment. Mais si cela est vraiment trop dur, n’hésitez pas à faire appel à une thérapie (de couple, familiale, etc).
Ceci concerne la relation de couple, mais bien évidemment aussi toutes les relations majeures de votre vie : vos parents, vos amis, vos frères et sœurs, etc.
La matrescence est donc une transition extrêmement riche et complexe, qui demande beaucoup d’attention et de temps, mais surtout une grande bienveillance envers soi-même et envers les autres. Savoir s’écouter et prendre soin de soi dans cette période est une des clé vers une maternité sereine et épanouie.
Dans le prochain article, nous verrons comment faire pour traverser cette matrescence de façon plus sereine et bienveillante, pour les mères et leurs enfants.
- Kim, P., Leckman, J., Mayes, L., Feldman, R., Wang, X., & Swain, J. (2010). The plasticity of human maternal brain: longitudinal changes in brain anatomy during the early postpartum period.. Behavioral neuroscience, 124 5, 695-700. https://doi.org/10.1037/a0020884.