poser ses limites
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Poser des limites sans culpabilité

Pendant longtemps, j’ai cru qu’être une “bonne mère”, c’était être disponible. Présente. Aimante. À l’écoute. Tout le temps. Pour tout le monde.

Et puis il y a eu ce jour. Mon anniversaire.

Mon fils avait quatre mois. C’était la première fois que je revoyais mes proches depuis l’accouchement. J’avais organisé un petit moment convivial, censé me faire du bien, me reconnecter. Mais ce que j’ai ressenti ce jour-là, c’était tout l’inverse.

Je me suis sentie lourde, fatiguée, étrangère à mon propre corps, à ma propre fête. Je n’arrivais plus à suivre les conversations. J’avais l’impression d’avoir la tête dans du coton, d’être une spectatrice floue dans une pièce trop bruyante. Sur les photos, je me suis trouvée hideuse. À l’intérieur, j’étais vide. Écrasée par l’épuisement, la solitude, la pression d’être “comme avant”. Cette journée m’a fait l’effet d’un mur. Et derrière ce mur, j’ai compris : je m’étais oubliée.

Jusqu’ici, je faisais tout pour bien faire. Je voulais accueillir tout le monde, être polie, souriante, généreuse. Mais à force de dire oui à tout, je ne disais plus oui à moi. Et je ne le savais pas encore, mais j’étais en plein dans une dépression périnatale.

C’est à partir de là que les premières prises de conscience sont arrivées. La plus importante : je ne peux pas donner à mon enfant ce que je ne m’accorde pas à moi-même.

Apprendre à poser des limites sans culpabilité n’a pas été un luxe, ni un caprice. C’était une nécessité vitale. Pas seulement pour survivre à mon post-partum, mais pour transmettre à mon fils une chose essentielle : le respect de soi.

Cet article, c’est le fruit de ce chemin-là. Un chemin semé de larmes, de colère, de prises de tête avec ma mère, de fatigue immense… mais aussi de petites victoires, de reconnexions, de choix alignés, et de mots simples qui changent tout.

Aujourd’hui, je suis convaincue que poser des limites, c’est une forme d’amour. Une forme de soin. Et surtout, un cadeau que je fais à mon fils : celui de voir sa maman se respecter pour qu’il apprenne à faire pareil.

Cet article participe à la Farandole des Blogs dont le thème « Semer aujourd’hui pour récolter demain » est proposé par Pierre-Élie du blog S’enrichir avec Pierre-Élie.​

Ce que l’on transmet quand on s’éteint doucement

Pendant longtemps, j’ai cru que dire oui était un acte d’amour.

Dire oui aux autres, c’était entretenir le lien, maintenir l’harmonie, répondre aux attentes — surtout en tant que jeune mère. Et comme beaucoup de femmes, j’ai pensé que ma disponibilité constante prouvait ma valeur. Ma dévotion. Mon implication.

quand une maman s'oublie

Mais la réalité, c’est que cette succession de “oui” masquait une série de renoncements.
Des renoncements à moi-même, à mes besoins, à mes limites, à ma santé mentale.
Et ces renoncements, je les vivais dans le silence — un silence pesant, fait de fatigue accumulée, de frustration rentrée, de tristesse qu’on n’ose pas avouer.

Ce que je ne mesurais pas encore, c’est que ce modèle-là — celui d’une femme qui s’oublie pour que tout le monde aille bien — devenait le premier langage que j’enseignais à mon enfant.

Sans le vouloir, je lui montrais que s’épuiser était normal, que dire non faisait de moi quelqu’un de “difficile”, que l’amour passait nécessairement par l’effacement. Et ce dès avant sa naissance.

Ma mère habite à 900 kilomètres de chez moi. Lorsqu’elle a appris que j’avais accouché, elle a naturellement souhaité venir rencontrer son petit-fils. Mais voilà : pour venir, elle devait être hébergée. Elle a refusé de loger chez mes beaux-parents — pourtant situés à seulement une heure de route — et comptait donc s’installer directement chez nous. Juste après la naissance.

Sauf qu’à ce moment-là, je venais tout juste de rentrer de la maternité. J’étais épuisée, encore dans la douleur physique, chamboulée, avec un nourrisson dans les bras et une tempête émotionnelle dans le cœur. Et accueillir ma mère à domicile, avec tout ce que cela impliquait de tension, d’anticipation, de “gestion”, m’était tout bonnement impossible.

Alors j’ai dit non.

C’était la première fois que je posais une limite aussi nette. Je savais qu’elle ne le prendrait pas bien (elle ne l’a pas bien pris…)Elle m’a reproché de la priver de son petit-fils, de ne pas respecter son rôle de grand-mère, de l’exclure. Moi, je me suis sentie coupable. Honteuse. Presque indigne. Mais j’ai tenu bon. Parce que je savais que je n’avais pas la capacité émotionnelle de porter cette charge en plus de tout le reste.

Je ne l’ai pas fait contre elle. Je l’ai fait pour moi, et surtout pour lui. Pour mon fils. Parce que je savais qu’il avait besoin d’une maman présente, pas d’une maman en lambeaux. Parce qu’au fond, j’étais déjà au bord du gouffre, même si je ne le savais pas encore : j’étais en train de sombrer dans une dépression périnatale.

Avec le recul, je suis convaincue d’avoir pris la bonne décision. Oui, ce choix a affecté notre relation. Oui, elle m’en veut encore. Mais je ne regrette rien. Parce que ce jour-là, j’ai choisi de ne pas me sacrifier pour entretenir une forme de paix factice.

Ce jour-là, j’ai compris que dire non, ce n’était pas tourner le dos à l’amour.
C’était poser un acte d’amour plus profond encore : celui de me préserver pour pouvoir aimer mieux.

Et montrer à mon enfant que le respect des autres commence par le respect de soi.

Pourquoi il est si difficile de dire non, même quand on est à bout

Dire non devrait être simple. Après tout, c’est un mot court, clair, sans ambiguïté. Et pourtant, il peut devenir terriblement lourd à porter, surtout lorsqu’on vient de donner naissance à un enfant.

Dans les premières semaines de maternité, j’ai découvert à quel point ce mot pouvait m’être difficile. Pas parce que je n’en connaissais pas la signification, mais parce que chaque “non” éveillait en moi une cascade de peurs et de culpabilités. Celles qu’on traîne depuis l’enfance. Celles qui s’infiltrent dans les gestes du quotidien sans qu’on s’en rende compte.

Dans ma propre histoire, j’ai très tôt intégré l’idée que l’amour se méritait. Être aimée, c’était être sage, brillante, utile, efficace. On attendait de moi que je performe, que je réponde aux attentes, que je sois à la hauteur. Ces croyances, je ne les ai pas laissées à la porte de la maternité. Je les ai emportées avec moi dans la valise qui m’a suivie à la maternité, juste à côté du body taille naissance et de la turbulette.

Très vite, j’ai interprété les pleurs de mon fils comme une forme de jugement. Une preuve que je n’étais pas suffisamment attentive, pas assez douce, pas assez réactive. Chaque fois qu’il pleurait, j’avais l’impression d’échouer. Et pour compenser, je faisais plus. Je donnais plus. Je disais oui à tout, même quand je n’en avais plus la force.

Ce comportement, bien que guidé par l’amour, était aussi nourri par la peur. Peur d’être perçue comme insuffisante. Peur de ne pas être une “bonne mère”. Peur de décevoir, de me montrer faible, ou même simplement humaine.

Ce n’est qu’au fil des mois, en travaillant avec ma psychologue, en écrivant, en réfléchissant à ce que je vivais réellement, que j’ai commencé à prendre conscience de ce conditionnement. Je croyais agir par amour. Mais en réalité, je m’agitais sous la pression. Je répondais à des injonctions invisibles : celles d’une société qui valorise l’abnégation, la performance, et qui laisse très peu de place à la vulnérabilité.

J’ai alors compris une chose essentielle : on ne peut pas aimer sereinement quand on est en train de se nier soi-même. Et dire non, dans ce contexte, devient un acte profondément sain. Ce n’est pas un rejet. Ce n’est pas un manque d’amour. C’est au contraire une manière de dire : “Je tiens à toi, donc je prends soin de moi pour mieux être là demain.”

Poser une limite, ce n’est pas s’éloigner. C’est établir un cadre. Un repère. Une cohérence. C’est dire à son enfant, sans le verbaliser forcément : “Je suis là, et je suis humaine. Et c’est cette humanité-là que je veux t’enseigner.”

Comment poser des limites sans culpabilité : les repères qui m’ont (vraiment) aidée

Une fois que j’ai compris que dire non n’était pas une trahison, encore fallait-il apprendre à le faire. Non pas brutalement, ni dans une forme de repli défensif, mais avec clarté, régularité et surtout… avec douceur. Pour moi comme pour les autres.

Il m’a fallu du temps pour comprendre que poser des limites n’était pas un luxe, ni une preuve de faiblesse, mais une nécessité structurelle. C’est ce qui m’a permis, peu à peu, de sortir la tête de l’eau, de réinvestir mon quotidien et d’en faire un espace plus aligné avec mes valeurs.

Structurer mon emploi du temps autour de l’essentiel

Avant, je faisais comme beaucoup : je donnais la priorité à mon travail, aux demandes extérieures, à tout ce qui me semblait “urgent” ou “important” selon les critères des autres. Ma vie personnelle devait s’y adapter, se glisser dans les interstices.

Aujourd’hui, j’ai fait le choix inverse. Ce qui est important vient en premier.

Concrètement, cela veut dire que j’ai organisé mes journées pour respecter mes cycles, mes besoins, mes rôles. Par exemple :

  • Le matin, jusqu’à 9h, je suis pleinement dans ma vie de maman.
  • De 9h à 12h, je travaille.
  • De 13h à 14h, je prends un vrai temps pour moi : je lis, je me repose, je fais quelque chose qui me nourrit.
  • De 14h à 16h, je travaille à nouveau.
  • De 17h à 21h, je redeviens maman à temps plein. Ce créneau est non négociable.
  • Et entre 16h et 17h, j’ai instauré un temps de transition, une heure pour atterrir, souffler, me recentrer avant de changer de rôle.

Cette structure me permet d’être pleinement présente à ce que je fais, au lieu d’être tiraillée en permanence. Elle me permet aussi de dire non plus facilement, car je sais ce à quoi je dis oui.

J’ajoute aussi que certains soirs, lorsque ce n’est pas à moi de coucher notre fils (nous alternons un soir sur deux), je profite de ce moment pour retravailler. Je suis naturellement plus concentrée en soirée, et ce créneau, généralement entre 21h et minuit, me permet d’avancer efficacement. Il a aussi eu un autre effet bénéfique : m’autoriser des pauses en journée, sans culpabiliser. Je sais que je retrouverai un espace de productivité plus tard, ce qui me permet de me consacrer pleinement à mon rôle de maman dans les temps réservés à cela.

Ce fonctionnement m’aide à maintenir un équilibre entre mes différentes identités sans me surcharger, et sans me sentir constamment coupée en deux.

Créer un espace à moi, chaque jour

J’ai longtemps cru qu’il fallait “gagner” le droit à un temps pour soi. Comme une récompense après avoir coché toutes les cases. Mais ce raisonnement est un piège : dans la maternité, les cases ne s’arrêtent jamais.

Alors j’ai décidé que mon temps personnel était un besoin vital, au même titre que dormir ou manger. J’ai commencé par de petites plages horaires, 30 minutes ici ou là, puis j’ai appris à les rendre non négociables.

Ce temps peut être simple : lire quelques pages, jardiner, écouter de la musique, écrire, parler avec une amie, regarder un épisode d’un anime (ma grande passion secrète!). Ce n’est pas du luxe. C’est ce qui me recharge. Et une mère qui se recharge, c’est une mère qui peut aimer mieux.

Utiliser des phrases claires, sans m’excuser

Il fut un temps où chaque “non” était suivi d’une justification interminable. Aujourd’hui, je fais plus simple.

“Non, ça ne m’arrange pas.”

“Après 17h, je suis maman à temps plein.”

“Mon fils, maman est fatiguée. Maintenant, c’est le moment de dormir. On jouera demain. Je t’aime fort.”

Ce sont des phrases vraies. Claires. Ancrées.

Et si mon fils pleure, je l’accompagne du mieux que je peux. Mais je ne cède pas. Parce que ma fatigue n’est pas une option, pas plus que la sienne.

Ce que j’ai découvert, c’est que dire non sans agressivité, mais avec fermeté et amour, génère du respect. Chez les autres, mais aussi en moi-même. Et c’est ce respect-là que je veux transmettre.

Ce que mon fils apprend quand je me respecte

L’une des idées qui m’a le plus transformée depuis que je suis mère, c’est celle-ci :

Mon fils apprend bien plus de ce que je vis que de ce que je dis.

Enseigner par l'exemple

Je peux lui expliquer la colère, la fatigue, l’importance de prendre soin de soi…
Mais ce qu’il retient surtout, ce sont les moments où je le fais vraiment.

Quand je dis “stop” parce que je suis à bout. Quand je m’excuse parce que j’ai crié. Quand je choisis de m’allonger à côté de lui, non pas pour l’endormir, mais pour retrouver un peu de calme ensemble. Quand je prends soin de mes besoins sans l’abandonner, mais sans me trahir non plus.

Depuis que je pose mes limites de manière plus claire, j’ai remarqué un changement subtil, mais puissant, dans sa manière d’exprimer ses émotions. Ses colères sont parfois plus intenses — il est en plein dans l’âge des tempêtes — mais il se calme aussi plus vite. Il semble plus confiant, plus ancré, plus affirmé. Comme s’il avait compris qu’il a lui aussi le droit d’exister pleinement. D’être en colère. D’avoir besoin. De dire non.

Je l’accompagne du mieux que je peux. Et quand je ne peux pas, je lui dis aussi. Je lui parle de ma fatigue, de mes émotions, de mes limites. Je ne lui demande pas de me consoler, ni de porter quoi que ce soit. Mais je veux qu’il sache que moi aussi, je suis une personne. Et que c’est une bonne chose.

Parce que c’est ce que je veux lui transmettre, au fond :
Que sa valeur ne dépend pas de ce qu’il fait, mais de ce qu’il est (c’est-à-dire la 8e merveille du monde, mon fils, mon âme, ma fierté, ma raison d’être, mon centre de gravité)
Qu’il est aimé même quand il pleure
.
Qu’il est digne d’être respecté, même quand il déborde.
Et que pour pouvoir respecter les autres, il faut d’abord apprendre à se respecter soi.

Ce que j’ai longtemps cru devoir taire — ma fatigue, mes besoins, mes émotions — est en réalité devenu un langage éducatif précieux.

Mon fils ne grandit pas dans une maison parfaite. Il grandit dans une maison vivante, où les émotions ont leur place, où les limites sont là pour rassurer, pas pour dominer.
Et il grandit avec une maman qui apprend chaque jour à se traiter avec autant de tendresse que celle qu’elle lui offre.

Se respecter pour aimer mieux : une transmission vivante

Pendant longtemps, j’ai cru qu’il fallait choisir entre moi et lui.
Entre ma fatigue et ses besoins, entre mes limites et son bien-être, entre mon espace et son insatiable présence.

Mais la maternité m’a appris une chose que je n’aurais jamais pu apprendre autrement : ce que je m’accorde, il l’intègre.

Mon écoute devient son modèle d’écoute. Mon respect de moi-même devient son socle.
Et mes “non” d’aujourd’hui, loin de le blesser, l’aident à grandir dans un monde plus clair, plus cohérent, plus sûr.

Je n’ai pas de solution miracle à proposer.
Seulement cette conviction profonde : nos enfants n’ont pas besoin de mères parfaites.

Ils ont besoin de mères présentes. Vivantes. Authentiques.
Des mères capables de dire “je t’aime”, et aussi “je suis fatiguée”.
Des mères qui savent poser une limite, non pas pour se protéger d’eux, mais pour se protéger avec eux.

la famille des stroumpfs

C’est ce que je souhaite transmettre à mon fils. Pas par des discours, mais par la façon dont je vis, dont je choisis, dont je me traite.

Alors aujourd’hui, je continue à poser des limites. Non plus en m’excusant, mais en me tenant droite dans cette vérité simple et puissante :

“Je me respecte. Et c’est ainsi que je t’enseigne à te respecter aussi.”

Et toi ?

As-tu déjà ressenti cette tension entre vouloir bien faire et t’oublier complètement ?

Quelles sont les limites que tu as eu du mal à poser — ou celles qui t’ont permis de respirer à nouveau ?

Je t’invite à venir partager ton expérience en commentaire. Pas pour “trouver la bonne réponse”. Mais pour faire circuler ce dont on parle encore trop peu : la maternité réelle.
La tienne.
La mienne.

La nôtre.

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